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Les Emprunts russes
31 mars 2010

Le Journal des Finances et les Emprunts Russes

 

LA VOIX DES EMPRUNTS RUSSES :

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Le Journal des Finances célèbre ses 140 ans

JDF HEBDO | 21.04.2007 | 

Créé en 1867, Le Journal des Finances fête cette année ses 140 ans. L'historien et journaliste Georges Valance revient sur la manière dont votre hebdomadaire a accompagné les épargnants pendant toute cette période. Cette semaine, il évoque le scandale des emprunts russes

Tout le monde peut se tromper, les journaux aussi. Le 3 novembre 1917, Le Journal des Finances titre : « Il ne faut pas vendre les fonds russes ». Alors que les fameux emprunts russes ont déjà perdu la moitié de leur valeur ! Il est vrai que l'auteur de l'article, Ernest Vincent, est chargé de mission du gouvernement français à Saint-Pétersbourg. Il est vrai, également, que, depuis des semaines, les articles du journal sur la situation de notre alliée sont si catastrophistes que nombre de lecteurs ont écrit sur le thème : « La Russie est perdue, son crédit s'effondre... Tant que nous le pouvons encore, tant que le cours des rentes de ce pays n'est pas tombé à rien, n'est-il pas prudent de limiter notre perte et de vendre les fonds russes que nous possédons à n'importe quel prix ? »

La réponse est bien sûr dans la question. Mais si les gros détenteurs se débarrassent de leurs titres, les petits épargnants s'accrochent à leurs économies, convaincus que le gouvernement français ne peut les laisser tomber. Bien à tort : Paris, qui, depuis novembre 1917, assure le versement des coupons, interrompt les paiements au printemps 1918, alors que le gouvernement bolchevique décrète que « tous les emprunts étrangers sont annulés sans conditions et sans aucune exception ». C'est l'effondrement total des cours et la ruine de petits rentiers qui voient leur retraite s'envoler. En moins de trente ans, les épargnants français ont subi deux krachs, qui sont aussi deux scandales : Panama et les emprunts russes. Etonnez-vous, après cela, qu'ils soient devenus des investisseurs prudents, trop prudents.

L'affaire des emprunts russes avait pourtant commencé comme une de ces histoires patriotiques comme on les aimait au tournant du siècle : en souscrivant, les épargnants pensaient faire à la fois une affaire juteuse et une bonne action. Arrondir leurs économies et permettre à la France de trouver une alliée, et peut-être un jour de retrouver les provinces perdues. « Y penser toujours, n'en parler jamais », disait-on. Eh bien ! en souscrivant aux emprunts russes, on allait pouvoir y penser concrètement.

Cette dimension nationale est essentielle. Les emprunts russes sont d'abord une affaire politique. Si, en 1887, Saint-Pétersbourg se tourne vers Paris pour placer un grand emprunt, c'est parce que Bismarck, n'ayant pas confiance dans la solidité financière de la Russie, a fermé la Bourse de Berlin à de nouvelles opérations. Et si Paris dit oui avec empressement, c'est parce que le gouvernement y voit l'occasion d'enfoncer un coin dans l'entente des trois empereurs et de sortir la France de son isolement. Le raisonnement fonctionne à l'envers pour le gouvernement du tsar : longtemps le tsar, l'ultra-réactionnaire Alexandre III, est réticent à l'idée de traiter avec la République, « un gouvernement bête », mais il a besoin d'argent et seule la République française peut le lui apporter. Le mécanisme est en place, qui va ponctionner près de 20 milliards de francs or en faveur de l'Etat, des villes, des chemins de fer, des entreprises russes. « Prêter à la Russie, c'est prêter à la France », dit la propagande.

Le problème, car il y a un problème, c'est que Bismarck a vu juste : la situation financière de la Russie est si dégradée que certains emprunts ne servent qu'à payer les coupons des emprunts précédents. Une cavalerie à l'échelle d'un Etat que l'on cache soigneusement aux épargnants français. C'est là que réside le premier scandale, dans la manière dont ils ont été sous-informés et manipulés. Le gouvernement ne veut pas mécontenter et affaiblir son alliée.

Les banques se gardent bien de tuer la poule aux oeufs d'or : selon une étude réalisée avant la Grande Guerre, le placement des emprunts laissait une marge de 8 à 10 %. Etant entendu que plus la situation russe s'aggravait et plus les emprunts devenaient difficiles à placer, plus les commissions s'arrondissaient et plus les placeurs ratissaient les campagnes pour faire sortir les napoléons de dessous les matelas. Et, au lieu de tirer le signal d'alarme, les journaux se font souvent les complices de cette spoliation.

Le gouvernement russe a mis en place une véritable organisation de corruption de la presse française, avec des intermédiaires rémunérés, des comptes en banque secrets et des représentants quasi officiels à Paris, comme ce Arthur Raffalovitch, représentant du ministère des Finances russe, correspondant de l'Institut, membre de la Société d'économie politique et collaborateur de nombreux journaux. Il a pour mission d'obtenir dans la presse française des articles positifs sur la situation en Russie, ou du moins d'éviter des articles négatifs. Et, pour cela, il paie. Témoin cette lettre adressée le 2 novembre 1904 au ministre des Finances russe : « J'ai l'honneur de remettre à Votre Excellence les chèques payés par l'agent Lenoir pour le concours donné par la presse française durant le mois de septembre. J'y joins une sorte de clef, c'est-à-dire le numéro du chèque en face du journal qui a touché. » (1)

Le second scandale concerne bien sûr le remboursement des emprunts russes. Floués dès le départ, les souscripteurs n'ont jamais été remboursés. Ou si peu. Non seulement les autorités françaises ont jeté les épargnants dans ce piège, mais ensuite elles les ont laissés tomber. Alors que les Britanniques, les Américains, les Japonais, les Italiens avaient été au moins partiellement indemnisés, les 315.000 porteurs de titres russes répertoriés ont dû attendre le début du XXIe siècle pour se partager 400 millions de dollars concédés généreusement par Moscou pour solde de tout compte. Une aumône. Presque une insulte de la part d'un pays qui, grâce au pétrole, connaît une balance des paiements largement excédentaire et rembourse sa dette extérieure auprès des grandes banques internationales par anticipation.

Et, pendant ce temps, en 1917, les mauvaises nouvelles s'accumulent pour les Alliés. Le front russe s'effondre et les bolcheviks traitent avec l'Allemagne. A l'Ouest, l'offensive Nivelle aboutit à la sanglante défaite du Chemin des Dames et conduit à une vague de mutineries contre les massacres inutiles.

Pétain prend la tête des armées, Clemenceau celle du gouvernement. Manifestation du durcissement du climat politique, Mata Hari est fusillée le 15 octobre. Seule bonne nouvelle, les Américains commencent à arriver.

(1) Les Emprunts russes, Joël Frémont, édition du Journal des Finances

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